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  • : Le blog de Gérard de Sélys
  • : Gérard de Sélys, Réflexions, analyses et délires sur l'actualité et les médias.
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2 mars 2012 5 02 /03 /mars /2012 18:21

« Lire est une vie surnuméraire pour ceux à qui vivre ne suffit pas. Lire me tenait lieu de tous les liens qui me manquaient. Les personnages de romans, et les auteurs qui devinrent bientôt mes personnages de prédilection, étaient mes amis, mes compagnons de vie. Companion-books. Dans les heures d’esseulement et d’abandon, comme dans les heures de solitude épanouie ou dans celles où je jouissais d’une présence à mes côtés, lire fut toujours l’accompagnement — comme on dit en musique — indispensable. 

Lire c’est comme une rencontre amoureuse qui n’aurait pas de fin. Ici, pas d’arrachement, mais une succession sans rupture, voire une coexistence heureuse de liens multiples, durant parfois toute la vie. Cela commence par un coup de foudre pour un livre. Alors je lis tout de son auteur, j’aime tout de lui. Puis vient l’accomplissement de l’amour qu’est l’écriture. Écrire, pour moi, veut dire élire un de ces compagnons de prédilection, un peu comme on se décide à s’engager dans une liaison qui durera des mois, voire des années, jusqu’à ce que son fruit arrive à terme. 

Mais écrire, c’est aussi s’engager dans une ascèse qui, d’ailleurs, comporte son plaisir propre. Il faut inventer à sa mesure, ses rythmes, ses rites, ses règles de vie, un cadre et une discipline, sans omettre de préserver la part due au lien avec les autres, car, dans l’ascétisme, il faut se garder des excès, tous les ascètes le savent. Roland Barthes l’a très bien vu, qui s’est longuement interrogé sur les modes de vie solitaires, l’aménagement des relations nécessaires avec les autres, qu’il souhaitait le plus légères possible afin de préserver le temps qu’il faut pour écrire, c’est-à-dire pour laisser la solitude s’épanouir. »

Catherine Millot

O Solitude

Coll. L’Infini, Gallimard, 2011

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2 mars 2012 5 02 /03 /mars /2012 18:17

« Lire est une vie surnuméraire pour ceux à qui vivre ne suffit pas. Lire me tenait lieu de tous les liens qui me manquaient. Les personnages de romans, et les auteurs qui devinrent bientôt mes personnages de prédilection, étaient mes amis, mes compagnons de vie. Companion-books. Dans les heures d’esseulement et d’abandon, comme dans les heures de solitude épanouie ou dans celles où je jouissais d’une présence à mes côtés, lire fut toujours l’accompagnement — comme on dit en musique — indispensable. 

Lire c’est comme une rencontre amoureuse qui n’aurait pas de fin. Ici, pas d’arrachement, mais une succession sans rupture, voire une coexistence heureuse de liens multiples, durant parfois toute la vie. Cela commence par un coup de foudre pour un livre. Alors je lis tout de son auteur, j’aime tout de lui. Puis vient l’accomplissement de l’amour qu’est l’écriture. Écrire, pour moi, veut dire élire un de ces compagnons de prédilection, un peu comme on se décide à s’engager dans une liaison qui durera des mois, voire des années, jusqu’à ce que son fruit arrive à terme. 

Mais écrire, c’est aussi s’engager dans une ascèse qui, d’ailleurs, comporte son plaisir propre. Il faut inventer à sa mesure, ses rythmes, ses rites, ses règles de vie, un cadre et une discipline, sans omettre de préserver la part due au lien avec les autres, car, dans l’ascétisme, il faut se garder des excès, tous les ascètes le savent. Roland Barthes l’a très bien vu, qui s’est longuement interrogé sur les modes de vie solitaires, l’aménagement des relations nécessaires avec les autres, qu’il souhaitait le plus légères possible afin de préserver le temps qu’il faut pour écrire, c’est-à-dire pour laisser la solitude s’épanouir. »

Catherine Millot

O Solitude

Coll. L’Infini, Gallimard, 2011

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1 mars 2012 4 01 /03 /mars /2012 17:57

Mon quotidien préféré titre aujourd’hui en première page : « Imposition des sociétés : La FEB contre-attaque. »
Fort bien. Lassée des attaques « poujadistes » selon lesquelles des sociétés paieraient un impôt nul en Belgique, la FEB (Fédération des Entreprises de Belgique, les grands patrons quoi !) fait état d’une étude menée par ses « experts ». Joe Dalton (Rudi Thomaes, patron de la FEB) demande donc à William, Jack et Averell de faire une « étude ». Etude selon laquelle les entreprises belges paieraient plus d’impôts que partout ailleurs en Europe. Mais pas un mot des intérêts notionnels qui permettent à des entreprises de ne payer que
0,00002 % d’impôt ou même de recevoir des remboursements de l’Etat. Pas un mot sur l’ « ingéniérie fiscale » qui permet aux entreprises « normales » de ne payer que 26,2% des 33% d’impôts qu’elles devraient payer.
Rantanplan sent confusément une arnaque. Mais pas la presse.


I am notJoe-Dalton-3.jpg a poor lonesome cowboy (soleil couchant).

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29 février 2012 3 29 /02 /février /2012 17:02

 vautours.jpgAu moment où un jeune Grec sur deux est au chômage, où 25 000 SDF errent dans les rues d’Athènes, où 30% de la population est tombée sous le seuil de pauvreté, où des milliers de familles sont obligées de placer leurs enfants pour qu’ils ne crèvent pas de faim et de froid, où nouveaux pauvres et réfugiés se disputent les poubelles dans les décharges publiques, les «sauveurs» de la Grèce, sous prétexte que les Grecs «ne font pas assez d’efforts», imposent un nouveau plan d’aide qui double la dose létale administrée. Un plan qui abolit le droit du travail, et qui réduit les pauvres à l’extrême misère, tout en faisant disparaître du tableau les classes moyennes.

Le but ne saurait être le «sauvetage» de la Grèce : sur ce point, tous les économistes dignes de ce nom sont d’accord. Il s’agit de gagner du temps pour sauver les créanciers tout en menant le pays à une faillite différée. Il s’agit surtout de faire de la Grèce le laboratoire d’un changement social qui, dans un deuxième temps, se généralisera à toute l’Europe. Le modèle expérimenté sur les Grecs est celui d’une société sans services publics, où les écoles, les hôpitaux et les dispensaires tombent en ruine, où la santé devient le privilège des riches, où les populations vulnérables sont vouées à une élimination programmée, tandis que ceux qui travaillent encore sont condamnés aux formes extrêmes de la paupérisation et de la précarisation.

Mais pour que cette offensive du néolibéralisme puisse arriver à ses fins, il faut instaurer un régime qui fait l’économie de droits démocratiques les plus élémentaires. Sous l’injonction des sauveurs, on voit donc s’installer en Europe des gouvernements de technocrates qui font fi de la souveraineté populaire. Il s’agit d’un tournant dans les régimes parlementaires où l’on voit les «représentants du peuple» donner carte blanche aux experts et aux banquiers, abdiquant leur pouvoir décisionnel supposé. Un coup d’Etat parlementaire en quelque sorte, qui fait aussi appel à un arsenal répressif amplifié face aux protestations populaires. Ainsi, dès lors que les députés ont ratifié la convention dictée par la troïka (l’Union européenne, la Banque centrale européenne et le Fonds monétaire international), diamétralement opposée au mandat qu’ils avaient reçu, un pouvoir dépourvu de légitimité démocratique aura engagé l’avenir du pays pour trente ou quarante ans.

Parallèlement l’Union européenne s’apprête à constituer un compte bloqué où serait directement versée l’aide à la Grèce afin qu’elle soit employée uniquement au service de la dette. Les recettes du pays devraient être en «priorité absolue» consacrées au remboursement de créanciers, et, si besoin est, directement versées à ce compte géré par l’Union européenne. La convention stipule que toute nouvelle obligation émise dans son cadre sera régie par le droit anglais, qui engage des garanties matérielles, alors que les différends seront jugés par les tribunaux du Luxembourg, la Grèce ayant renoncé d’avance à tout droit de recours contre une saisie décidée par ses créanciers. Pour compléter le tableau, les privatisations sont confiées à une caisse gérée par la troïka, où seront déposés les titres de propriété de biens publics. Bref, c’est le pillage généralisé, trait propre du capitalisme financier qui s’offre ici une belle consécration institutionnelle. Dans la mesure où vendeurs et acheteurs siégeront du même côté de la table, on ne doute guère que cette entreprise de privatisation soit un vrai festin pour les repreneurs.

Or toutes les mesures prises jusqu’à maintenant n’ont fait que creuser la dette souveraine grecque et, avec le secours de sauveurs qui prêtent à des taux usuraires, celle-ci a carrément explosé en approchant des 170% d’un PIB en chute libre, alors qu’en 2009 elle n’en représentait encore que 120%. Il est à parier que cette cohorte de plans de sauvetage - à chaque fois présentés comme «ultimes» - n’a eu d’autre but que d’affaiblir toujours davantage la position de la Grèce de sorte que, privée de toute possibilité de proposer elle-même les termes d’une restructuration, elle soit réduite à tout céder à ses créanciers sous le chantage de «la catastrophe ou l’austérité».

L’aggravation artificielle et coercitive du problème de la dette a été utilisée comme une arme pour prendre d’assaut une société entière. C’est à bon escient que nous employons ici des termes relevant du domaine militaire : il s’agit bel et bien d’une guerre conduite par les moyens de la finance, de la politique et du droit, une guerre de classe contre la société entière. Et le butin que la classe financière compte arracher à «l’ennemi», ce sont les acquis sociaux et les droits démocratiques, mais au bout du compte, c’est la possibilité même d’une vie humaine. La vie de ceux qui ne produisent ou ne consomment pas assez au regard des stratégies de maximisation du profit, ne doit plus être préservée.

Ainsi, la faiblesse d’un pays pris en étau entre la spéculation sans limites et les plans de sauvetage dévastateurs, devient la porte dérobée par où fait irruption un nouveau modèle de société conforme aux exigences du fondamentalisme néolibéral. Modèle destiné à toute l’Europe et plus si affinités. C’est le véritable enjeu et c’est pour cela que défendre le peuple grec ne se réduit pas à un geste de solidarité ou d’humanité abstraite : l’avenir de la démocratie et le sort des peuples européens sont en question. Partout la «nécessité impérieuse» d’une austérité «douloureuse, mais salutaire» va nous être présentée comme le moyen d’échapper au destin grec, alors qu’elle y mène tout droit.

Devant cette attaque en règle contre la société, devant la destruction des derniers îlots de la démocratie, nous appelons nos concitoyens, nos amis français et européens à s’exprimer haut et fort. Il ne faut pas laisser le monopole de la parole aux experts et aux politiciens. Le fait qu’à la demande des dirigeants allemands et français en particulier la Grèce soit désormais interdite d’élections peut-il nous laisser indifférents ? La stigmatisation et le dénigrement systématique d’un peuple européen ne mériteraient-ils pas une riposte ? Est-il possible de ne pas élever sa voix contre l’assassinat institutionnel du peuple grec ? Et pouvons-nous garder le silence devant l’instauration à marche forcée d’un système qui met hors la loi l’idée même de solidarité sociale ?

Nous sommes au point de non-retour. Il est urgent de mener la bataille des chiffres et la guerre des mots pour contrer la rhétorique ultralibérale de la peur et de la désinformation. Il est urgent de déconstruire les leçons de morale qui occultent le processus réel à l’œuvre dans la société. Il devient plus qu’urgent de démystifier l’insistance raciste sur la «spécificité grecque», qui prétend faire du caractère national supposé d’un peuple (paresse et roublardise à volonté) la cause première d’une crise en réalité mondiale. Ce qui compte aujourd’hui ne sont pas les particularités, réelles ou imaginaires, mais les communs : le sort d’un peuple qui affectera tous les autres.

Bien des solutions techniques ont été proposées pour sortir de l’alternative «ou la destruction de la société ou la faillite» (qui veut dire, on le voit aujourd’hui : «et la destruction et la faillite»). Toutes doivent être mises à plat comme éléments de réflexion pour la construction d’une autre Europe. Mais d’abord il faut dénoncer le crime, porter au grand jour la situation dans laquelle se trouve le peuple grec à cause des «plans d’aide» conçus par et pour les spéculateurs et les créanciers. Au moment où un mouvement de soutien se tisse autour du monde, où les réseaux d’Internet bruissent d’initiatives de solidarité, les intellectuels français seraient-ils donc les derniers à élever leur voix pour la Grèce ? Sans attendre davantage, multiplions les articles, les interventions dans les médias, les débats, les pétitions, les manifestations. Car toute initiative est bienvenue, toute initiative est urgente.

Pour nous, voici ce que nous proposons : aller très vite vers la formation d’un comité européen des intellectuels et des artistes pour la solidarité avec le peuple grec qui résiste. Si ce n’est pas nous, ce sera qui ? Si ce n’est pas maintenant, ce sera quand ?

 


Vicky Skoumbi, rédactrice en chef de la revue «Alètheia», Athènes, Michel Surya, directeur de la revue «Lignes», Paris, Dimitris Vergetis, directeur de la revue «Alètheia», Athènes. Et : Daniel Alvara,Alain Badiou, Jean-Christophe Bailly, Etienne Balibar, Fernanda Bernardo, Barbara Cassin, Bruno Clément, Danielle Cohen-Levinas, Yannick Courtel, Claire Denis, Georges Didi-Huberman, Roberto Esposito, Francesca Isidori, Pierre-Philippe Jandin, Jérôme Lèbre, Jean-Clet Martin, Jean-Luc Nancy, Jacques Rancière, Judith Revel, Elisabeth Rigal, Jacob Rogozinski, Hugo Santiago, Beppe Sebaste, Michèle Sinapi, Enzo Traverso

 

 

 

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28 février 2012 2 28 /02 /février /2012 18:56

Chicago-1886.jpgJe le dis depuis plus de vingt ans. Le patronat et les riches du monde entier tentent de nous ramener au 19e siècle. Si le travail des enfants, les tâches harassantes, les heures non comptées et l’interdiction de se syndiquer sont interdits (en principe) dans les pays riches, la géniale invention de la « mondialisation » et sa dictature imposée par l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce), le FMI (Fonds Monétaire International), la Banque Mondiale et la Commission européenne permet de contourner ces règles durement acquises par d’innombrables luttes.

 

Mais cela ne suffit plus. Les pays riches utilisent toujours, chez eux, les travailleurs les plus qualifiés dans des usines de haute technologie, telles que  Meister à Sprimont (fabrication de pièces très sophistiquées pour automobiles et camions).

Que ces travailleurs résistent ou se révoltent, il faut les casser.

On envoie alors de la merveilleuse Allemagne de l’Ange Merkel une trentaine de voyous casser du travailleur à Sprimont. Exactement comme cela s’est passé aux Etats-Unis dans les années 20, 30 et 40 du siècle dernier. Des milices privées tuaient les dirigeants syndicaux, mitraillaient les piquets de grève et harcelaient les grévistes jusque chez eux. Les syndicats américains ont été anéantis ou leurs dirigeants achetés.

 

Lire « Histoire populaire des Etats-Unis » de Howard Zinn,

« USA » de Dos Pasos et « Le talon de fer » de Jack London.

 

Et résister. Et dénoncer. Et prendre la Bastille.

 

Photo: milices patronales se préparant au massacre de Chicago en 1886

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27 février 2012 1 27 /02 /février /2012 23:43

 Treize millions et demi d’enfants de moins de dix ans meurent de faim chaque année dans le monde. Si l’on tient compte de la Charte des Nations Unies sur les enfants, définissant un enfant comme un être humain de moins de dix-huit ans, et des décès dus aux conditions hygiéniques catastrophiques dans lesquelles vivent les enfants pauvres, on peut estimer le nombre des enfants victimes chaque année de la pauvreté dans le monde à vingt millions. C’est trois fois plus que le nombre de victimes annuelles de la deuxième guerre mondiale.

 

Nous sommes donc enZiegler.jpg guerre.

 

Ce n’est pas exactement ce qu’a dit Jean Ziegler venu donner une conférence à propos de son dernier livre « Destruction massive. Géopolitique de la faim » à Namur, ce 27 février, mais ce n’était pas loin, surtout quand il a suggéré la tenue d’un « tribunal de Nürenberg » pour les coupables de ce crime contre l’humanité, les multinationales et les bourses du Nord.

Il a raconté une anecdote : il a été chauffeur de Che Guevara à Genève dans les années soixante. Le dernier jour, il a proposé au Che de l’accompagner où il irait. Celui-ci lui a répondu froidement, lui disant que son devoir était de rester dans son pays. Ziegler a été un peu vexé. Mais le Che avait raison. Les militants et intellectuels d’Europe et d’Amérique du Nord vivent dans la tête du monstre, ou tout près d’elle. C’est là qu’ils doivent agir, frapper et non épancher leur empathie en se promenant sous des bannières d’ONG dans le monde.

 

GDS

 

Destruction massive. Géopolitique de la faim, Paris, Le Seuil, 2011.

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27 février 2012 1 27 /02 /février /2012 14:36

 

Notre avenir se joue dans le berceau de la démocratie. Par la volonté de la « troïka » (FMI, la Banque centrale et Commission européenne), le capitalisme financier veut mettre à genoux le peuple grec. Ils font de la Grèce un laboratoire social et politique pour l'Europe de demain. La misère et l'humiliation des travailleurs grecs annoncent celles de la classe ouvrière européenne toute entière.

Edito de Nico Cué, 27/02/2012.

(Deutsche Fassung hierunter)

Le 12 février, les rues d'Athènes ont dit « non » quand le Parlement offrait le sinistre spectacle de la soumission. Dans les rangs de la majorité, ceux qui ont tenté de résister ont été bannis. A l'extérieur, un impressionnant déploiement policier devait « protéger » les élus  contre... leur peuple. Le débat, la résistance et le rejet de toute résignation se trouvaient faces aux hommes armés, de l'autre côté des chevaux de frise, dans les nuages de lacrymogène.

L'Histoire qui balbutie ?

La Grèce, aujourd'hui, c'est l'Espagne de 1936 ! L'aventure franquiste avait alors ouvert la voie au déferlement fasciste sur tout le continent. Ici, la crise de la dette sert de paravent pour un changement de régime. A nous de mobiliser les nouvelles « brigades internationales » !

Notre solidarité avec les travailleurs grecs est spontanée, évidente, désintéressée. Elle est aussi indispensable parce que les mécanismes de domination politique et économique sont identiques là-bas et chez nous. Les objectifs budgétaires que l'Europe nous impose sont l'occasion d'une réforme sociale sans précédent... Elle n'a rien à voir avec l'état des finances publiques. Il s'agit de « sauver » la compétitivité d'entreprises qui génèrent depuis une dizaine d'années des profits croissants qui alimentent l'explosion de la rémunération du capital.

La revendication obsessionnelle d'une révision de l'indexation des salaires en est ici un exemple éclairant. Le financement des besoins collectifs est fondé, chez nous, très majoritairement sur l'impôt payé au départ du travail (directement ou indirectement). En gelant les salaires, par un saut ou quelque révision de l'index qui soit, c'est la base même des ressources de l’État qu'on réduit. C'est donc le déficit qu'on aggrave. Contrairement au baratin de la « pensée unique », la remise en cause de l'index nuira aux finances publiques !

Les petites mains du système

Pourquoi les « petites mains » du système qui se sont déchaînées pour condamner la perspective même de la grève du 30 janvier n'expliquent-elles pas cela ? La grève générale a été l'occasion d'un déferlement inédit de condamnations médiatiques, sentencieuses et... vaines, au final. Les leaders d'opinion se sont relayés pour expliquer combien cette « bombe atomique » était inutile, inefficace et stérile. On nous l'a répété, sur tous les tons, à longueur d'antenne et de colonnes. Ce fut sans aucun effet sur la mobilisation des travailleurs... Sinon de cultiver le terreau poujadiste d'un antisyndicalisme de caniveau.

Plus étonnant : les mêmes journalistes qui s'époumonaient à convaincre de « l'inutilité » de toute résistance à l'austérité, à prêcher une résignation bienveillante et à répéter que chacun était appelé à « faire son effort », découvraient, le froid venu, avec une incrédule stupéfaction, les premiers effets de la paupérisation de la société. Ils organisaient alors une obscène mise en scène de la misère. Cette grandiose scénarisation de bons sentiments a une dimension politique. Les « chiens de garde » qui conspuent les défenseurs d'un État social encensent les élans individuels sur le mode de... la charité privée. Ils ont ainsi opté pour une « privatisation » de la solidarité. Très dans l'air d'un temps... qui s'achève !

La prêche systématique de l'impuissance à éviter l'austérité, l'agression régulière des intérêts des travailleurs, avec ou sans emploi, quand ce n'est pas la mise en question des organisations syndicales elles-mêmes, témoignent d'une situation nouvelle : la peur change de camp...

Alors, se résigner et se taire ? Avec nous, jamais ! « Rien ne servirait de se battre » ? Foutaise ! Chaque bataille est utile. Même quand son importance ne se mesure pas dans l'immédiat. Chaque action est une goutte d'eau qui remplit de résistance un vase d'insatisfactions. La dernière, celle qui le fait déborder en changeant la réalité et les conditions de nos vies, justifie rarement par elle seule les troubles qu'elle sème. Elle donne néanmoins tout leur sens à celles qui l'ont précédé.

Au moment où l'Histoire s'accélère, à nous d'être les acteurs des temps présents... Nous avons un projet construit sur des valeurs fortes : l'égalité, la solidarité, l'internationalisme... La FGTB développe des alternatives contre l'austérité pour défendre des citoyens et sauvegarder leur bien-être. Les évangélistes du système entendent nous réduire au silence ou à la marginalité. Comptons donc sur nos propres forces pour convaincre et gagner la bataille de l'opinion. Contre les médias s'ils le décident ! Nous devons ferrailler à coup d'arguments partout où nous sommes, dans les ateliers, sur les marchés, dans les repas de famille...

Il nous appartient de rassembler autour de notre vision d'avenir ceux dont nous partageons l'intérêt de résister au rouleau compresseur capitaliste : les intellectuels, les artistes, la société civile et ses associations mais également les petits indépendants, les paysans...

Pour constituer un large front contre la barbarie !

Nico Cue, Secrétaire général de la MWB

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27 février 2012 1 27 /02 /février /2012 01:21

Une pelleteuse a renversé la « Chapelle érigée à perpétuité à l’immaculée conception. 1869 » devant chez moi.

Je m’en fiche, je ne suis pas croyant. Une vieille dame venait prier devant plusieurs fois par jour, s’accrochant à la grille ogivale et rouillée. Elle ne vient plus. Elle a été renversée, elle aussi. Pour qui venait-elle prier ? Un homme, une fille, un fils, un crime inavoué ? Je ne suis pas croyant. Elle est morte. Ou seule, définitivement.

Etre seul, c’est vivre avec une absence.

Je crois.Immaculee-copie-2.JPG

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21 février 2012 2 21 /02 /février /2012 15:32
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8 février 2012 3 08 /02 /février /2012 14:35

Une couverture en laine c'est bien, une couverture sociale c'est mieux

Par Irène Kaufer :: 07/02/2012 à 13:08


Depuis ce matin 7 février, la radio-télévision belge francophone (RTBF) a lancé une « grande opération de solidarité pour venir en aide aux plus démunis ». Un call-center propose de recueillir toutes les propositions d'aide et de mettre en relation ceux qui ont quelque chose à offrir et ceux qui ont besoin de tout : d'un toit, de nourriture, de chauffage. Comme c'est souvent le cas dans ce genre d'opération, ceux qui n'ont pas grand chose sont invités à le partager avec ceux qui n'ont rien (même pas, peut-on supposer, de quoi appeler un numéro qui n'est pas gratuit !) . Puisque ceux qui ont beaucoup, eux, menacent toujours de le planquer à l'étranger si jamais on leur force la main ; à la rigueur, ils veulent bien choisir de « donner », alors que, s'ils payaient simplement leur dû, beaucoup de problèmes seraient résolus... Apprécions d'ailleurs les termes employés : « les plus démunis ». Il ne suffit d'être « démuni » (et surtout, pas question de se demander qui démunit qui ni comment), il faut l'être « plus ».

 

Il ne s'agit évidemment, pas de dénigrer l'élan de la population ni le travail des organismes et associations qui, tout au long de l'année, font ce qu'ils peuvent pour venir en aide à ces « inadaptés sociaux » chers à notre ministre de l'Emploi (1). Il paraît que, statistiquement, le pourcentage de personnes vivant sous le seuil de pauvreté est stable, bien que les CPAS, les Restos du Coeur et les abris de nuit soient souvent débordés, et plus encore lorsque l'hiver s'installe. Il faut croire qu'il ne suffit pas de franchir ce seuil pour avoir accès à une vie décente...

Mais il y a deux acteurs dont les grandes indignations et les appels à la solidarité sont franchement insupportables : le gouvernement d'un côté, les médias de l'autre.

A tout seigneur tout déshonneur : j'ai déjà indiqué dans des chroniques précédentes comment les mesures actuelles, prises au pas de charge, enclenchaient un mécanisme de « descenseur social » (2). Je me permets de citer cet extrait prémonitoire (mais ce n'était pas bien difficile à prévoir) : « Dans quelque temps, parions qu'on verra de grandes opérations larmoyantes pour venir en aide aux miséreux qu'on aura fabriqués. On entendra même des membres de la majorité gouvernementale s'alarmer de la montée de la pauvreté, surtout celle des enfants – ah oui, la pauvreté des enfants, ça arrache des larmes, comme si ça n'avait aucun rapport avec celle des parents et en particulier, des mères ! Une pauvreté que les mesures actuelles auront bien contribué à aggraver... »

Tout cela au nom de la « seule politique possible », bien que des économistes on ne peut plus sérieux (y compris des prix Nobel) contestent cette analyse et dénoncent des mesures moyenâgeuses. On voit ce que ça donne en Grèce, ce pays en voie de sous-développement organisé : l'explosion du nombre de sans abris, des enfants qui s'évanouissent en classe par manque de nourriture ou même des parents qui abandonnent leurs gosses parce qu'ils ne peuvent plus les prendre en charge...

Et les médias ? Lors de la grève du 30 janvier - à l'exception de quelques chroniqueurs aussi rares que courageux - ils n'ont pas eu de mots assez durs pour dénoncer ces irresponsables de grévistes, qui bloquaient le pays pour défendre leurs « privilèges » (genre avoir un toit et manger tous les jours) et ne comprenant pas les « enjeux de la crise » que s'acharnaient pourtant à leur expliquer ces même médias, par la méthode du pilonnage idéologique... Et lorsque le gouvernement bouge légèrement  les lignes (mais si peu !), comme en matière de pensions, voilà la presse qui lui reproche d'avoir « cédé à la pression de la rue » (entendez : pas démocratique, limite terroriste) ou « aux caprices des syndicats » (3).

Le jour même où la RTBF annonce sa grande opération de solidarité, le quotidien le Soir se propose de briser un grand « tabou » : « Les chômeurs sont-ils tous des profiteurs ? » Ah oui, ça c'est un tabou, jamais personne n'a osé le dire auparavant... Enfin bon, ils ne le sont « pas tous », un journal de qualité doit garder le sens des nuances...

 

Et c'est quoi, ces terribles fraudes au chômage ? De faux domiciles, pour ne pas tomber dans les sous-allocations de cohabitant (appremment, c'est bien plus grave de faire semblant d'habiter Saint-Gilles alors qu'en réalité, on partage deux chambres insalubres à Molenbeek, que de s'installer à Monaco pour échapper à l'impôt comme le font quelques gloires nationales) ; des « faux C4 » (comme si le vrai scandale, ce n'était pas les vrais C4, généreusement distribués par des entreprises qui font des bénéfices !) ; et le travail au noir, ah le travail au noir ! Heureusement, l'inspection sociale veille en lançant ses plus fins limiers sur le contrôle... des asbl, où elle trouvera bien l'un ou l'autre faux bénévole ou chômeur-profiteur... Après ça, évidemment, il ne lui restera plus de moyens pour aller jeter un coup d'oeil dans des secteurs comme la construction ou l'Horeca, grands pourvoyeurs de travail non déclaré.

 

Mais au fait.... est-on vraiment bien sûrs que ces « démunis » ne sont pas, eux aussi, d'affreux profiteurs ? Peut-être qu'ils cachent déjà une couverture sous leur lit glacé et qu'ils se les gèlent exprès pour en recevoir une deuxième gratos ? Peut-être qu'ils cumulent allocations sociales, bénévolat, tout en repeignant le salon de leur beau-frère d'une main et en empochant de l'autre des dividendes d'une des entreprises du Bel 20 ? Et tous ces vêtements, ces chauffages distribués à l'aveuglette, n'est-ce pas une forme d' « assistanat » qui pourrait déplaire à Standard&Poor's, Moody's et autres Fitch ? Notre pays ne risque-t-il pas une nouvelle dégradation en division 2 de la compétititon mondiale ?

 

Heureusement, il y a aussi de bonnes nouvelles : « La Belgique ne s'en tire pas mal dans le classement des millionnnaires en dollars » (4), annonçait récemment cette même presse (sans parler de profiteurs ni de tabous, cette fois). Avec un peu plus de 3% de la population, elle se positionne en 10ème place dans le classement mondial. Pas mal pour un pays qui n'arrive pas à donner un toit à chaque citoyen.

 

Alors une couverture en laine, c'est bien, une couverture sociale, c'est mieux. Les sans abris ne fondront pas en même temps que la neige, la pauvreté ne s'évaporera pas au printemps, ni même avec la canicule de l'été. Et si on remplaçait la fameuse « règle d'or » qui prétend interdire les déficits publics – et donc toute marge politique – par une autre règle, qui fixerait un « indice d'inégalité » dont le dépassement entraînerait une exclusion de la communauté des humains ?

 

  1. Voir http://irenekaufer.zeblog.com/580939-les-chomeurs-par-le-collier/

  2. http://irenekaufer.zeblog.com/579211-descenseur-social/

  3. Dans De Morgen, journal dit « progressiste » !

  4. http://www.references.be/carriere/combien-de-millionnaires-y-a-t-il-en-belgique

 

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