Par Jean Flinker
Depuis le 24 avril 2013, date de l’effondrement d’un immeuble de huit étages dans la banlieue de Dacca (Bangladesh), le bilan de la catastrophe est monté à 427 morts, 149 disparus et 1.200 blessés. Trois mille personnes travaillaient dans le building qui s’est écroulé. D'après le premier ministre bangladais, les salariés avaient été contraints de retourner travailler malgré les fissures apparues la veille dans l'immeuble.
L’entrepreneur qui a construit l’édifice a été arrêté ; soupçonné d’avoir enfreint le code de la construction du pays. Trois propriétaires d’ateliers ont été interpellés par les forces de l’ordre. Un autre propriétaire, un industriel espagnol, est mis en cause et recherché : David Mayor est le directeur général de Phantom-Tac,une société conjointe à parts égales entre Phantom Apparels (Bangladesh) et Textile Audit Company (Espagne), installée sur plus de 2.000 mètres carrés dans l’édifice qui s’est effondré.
MISES EN CAUSE. La polémiquetouche désormais les sociétés occidentales pour lesquelles travaillaient les cinq ateliersde confection du Rana Plaza. Dans les gravats, on aen effet retrouvédes chemises bleuesétiquetées «United Colors of Benetton». La société italienne a affirmé que «les gens concernés dans l’effondrement de l’atelier au Bangladesh ne faisaient pas partie de nosfournisseurs». La Fédération des ouvriers du textile au Bangladesh a pourtant découvert des documents portant mention d’une commande de 30.000articles en septembre 2012. Une société travaillant dans le Rana Plaza,la New Wave Bottoms, indique également travailler avec le groupe textile de la Péninsule. On sait, par ailleurs, que les ateliers de confection sous-traitaient pour la marque espagnoleMango et la britannique Primark. Mango, qui a présenté ses «regrets»,a admis avoir passédes commandes pour 25.000 articles, précisant qu’il s’agissait toutefois d’échantillons et qu’elle n’était pas clientedes ateliers détruits.
Des étiquettes destinées à la marque américaine de prêt-à-porter féminin Cato ont été également trouvéessur les lieux du drame. L’organisation Clean Clothes Campaign, basée à Amsterdam, accuse quant à elle la marque européenne C&A, la britannique Bon Marché, l’espagnole Corte Ingleset la canadienne Joe Fresh d’être en affaire avec les ateliersdévastés. Le groupe de distribution danois PWT a reconnu avoir recours à ces ateliersdepuis sept ans.
Des militants de la Fédération des ouvriersdu textile et de l’industrie au Bangladesh disent enfin avoir découvert, dans les décombres, des étiquettes de la marque Tex du groupe Carrefour. Ce dernier a néanmoins assuré qu’aucune des entreprisesqui étaient en activité dans cet immeuble «ne fait partie de notre liste de fournisseurs au Bangladesh». Idem pour l’américaine Walmart qui dit enquêter sur des accusations similaires…
COLÈRES. Ce mercredi 1er Mai, des dizaines de milliers de manifestants ont défilé en une lugubre fête du travail pour dénoncer les conditions d'exploitation liées à la sous-traitance, fustiger les bas salaires et réclamer des sanctions radicales envers les propriétaires des sweatshops. Brandissant des banderoles et des drapeaux rouges, les protestataires n’arrêtaient pas de scander «Pendez les tueurs, pendez les propriétaires d'ateliers» en défilant dans les rues de la capitale, Dacca.
La plupart des 4.500 usines du textile sont restées fermées depuis une semaine, un coup d'arrêt brutal pour l'économie du pays alimentée en grande partie par les 20 milliards de dollars annuels générés par cette industrie. La Première ministre, en s'adressant au Parlement, a exhorté les ouvriers à reprendre le travail et critiqué les attaques dont ont été la cible plusieurs usines.
jean flinker